La semaine de 4 jours booste la productivité selon les experts.
5 % des entreprises en France ont déjà adopté la semaine de 4 jours. En outre, 84 % des Français y sont favorables. Mais de quoi s’agit-il vraiment ?
Dans leur livre La semaine de 4 jours sans perte de salaire, ça marche !, les spécialistes en innovation managériale Francis Boyer et Thomas Laborey partagent les résultats de leurs enquêtes menées au sein de plusieurs entreprises ayant tenté cette expérience. Ils présentent :
- Les bénéfices concrets pour les salariés et les entreprises
- Les principales étapes de mise en œuvre
- Les conditions de réussite et les écueils à éviter
- Des principes et des bonnes pratiques qui permettent de réaliser en 4 jours ce qui était fait en 5, éclairées par de nombreux concepts en sciences sociales et humaines
- Les nouveaux leviers de valeur qu’apporte la semaine de 4 jours sur le plan sociétal, économique, environnemental et managérial
Interview
Pourquoi avoir écrit ce livre
L’observation d’une recrudescence d’initiatives d’entreprises en faveur de la semaine de 4 jours a suscité notre curiosité. Nous avons voulu comprendre comment il était possible que cette mesure soit bénéfique à la fois pour les salariés et pour les entreprises.
C’est quoi la semaine de 4 jours au fond ?
La semaine de 4 jours consiste en 47 jours de repos annuels, financés par l’entreprise. Il ne s’agit pas d’un temps partiel, car les salariés continuent de percevoir le même salaire.
C’est une réponse à l’évolution du rapport au travail, qui se caractérise par une volonté de plus d’autonomie, de responsabilité, de flexibilité et de bien-être.
C’est une occasion de légitimer une évolution des modes d’organisation et de collaboration, en favorisant l’intérêt collectif et la transversalité.
Pensez-vous que c’est l’avenir du travail ?
En tous cas c’est une tendance ancienne. Avant 1906, nos aïeux travaillaient 4380 heures par an, 7 jours/7. Aujourd’hui, les Français travaillent 1607 heures par an selon le code du travail et 1490 heures par an selon l’OCDE, soit moins que la moyenne des 38 pays membres (1716 heures). Henry Ford a instauré la semaine de 5 jours au lieu de 6 en 1926.
Jusqu’à présent, la diminution du temps de travail a été motivée par la pénibilité, la souffrance au travail et la lutte contre le chômage. Ce n’est pas le cas avec la semaine de 4 jours, car il s’agit plus de repenser le travail et de restituer du temps de vie aux salariés tout en activant des leviers dormants de productivité.
Pourquoi la semaine de 4 jours séduit autant depuis 1 an alors qu’elle n’est pas nouvelle ?
À la suite de la pandémie de COVID-19, une réflexion s’ouvre sur les aspects généraux de la vie et sur la position qu’occupe le travail dans cet ensemble. Ainsi, l’impératif de travailler de chez soi du jour au lendemain a fait redécouvrir les bénéfices de pouvoir agir plus librement sur les modalités de réalisation de son travail.
De plus, alors que le travail passe de la deuxième à la quatrième place des priorités des Français après les amis et les loisirs, le besoin de mettre fin à la porosité, en aggravation rapide du fait des moyens d’échanges numériques, entre plages de temps professionnel et plages de temps personnel, devient criant.
La semaine de 4 jours est-elle applicable à toutes les entreprises ?
Nous n’avons pas identifié de critère absolu d’exclusion. On pensait au départ saisonnalité ou travail posté, mais on a des contre-exemples, idem pour les TPE, l’industrie… Reste peut-être la contrainte naturelle pour certains produits (huitres, truffes…).
Il faut essayer, car on a eu de bonnes surprises : on trouvera des témoignages dans le livre d’entreprises de tous secteurs pour qui ça a marché (bâtiment, hôtellerie, industrie…). Cela peut paraître complexe pour les commerçants, artisans (coiffeurs…) qui travaillent seuls et doivent ouvrir 5 ou 6 jours par semaine, mais ils ont saisi l’opportuité d’embaucher, de former des apprentis pour élargir leur offre de services.
Il importe toutefois de bien faire la différence entre envie et faisabilité.
Certains collaborateurs individuels peuvent n’avoir pas envie : pas de besoin ressenti de temps supplémentaire, forte flexibilité actuelle (RTT, jours de congés conventionnels…), travail important dans sa vie.
Pourquoi les organisations syndicales et patronales n’en veulent pas vraiment ?
Les principales réticences mentionnées sont l’altération de la productivité et le stress des salariés supposés travailler mathématiquement plus chaque jour pour compenser.
Mais il s’agit de modes de raisonnement archaïques basés sur le Taylorisme, une approche analytique reposant sur l’hypothèse qu’une heure travaillée en vaut toujours une autre alors que notre étude recense les conditions qui permettent de ne mobiliser que les heures les plus efficaces.
De leur côté, les organisation syndicales perçoivent souvent leur rôle comme celui du sauveur dans le triptyque où le patronat est le persécuteur et le salariat la victime. Si les salariés et les patrons trouvent une collaboration gagnant/gagnant, pourquoi pas avec la contribution des syndicats, on sort de ce triptyque et on peut repenser la raison d’être des OS, comme dans certains pays notamment de l’Europe du Nord.
Quelle est la différence entre les 35 heures et la semaine de 4 jours ?
La différence majeure est la journée ouvrable non travaillée de repos : moins de charge mentale et de stress, donc moins de fatigue qui ne peuvent être obtenus que par une nette ségrégation des journées à thématique travail ou à thématique autre et pas par une diminution de la durée journalière sur 5 jours.
Quels sont les bénéfices pour les salariés et les entreprises ?
Salariés :
- Bien-être : moins de stress, de fatigue, et d’épuisement professionnel
- Équilibre de vie : plus de temps pour soi, sa famille, ses loisirs, sa santé, etc.
- Revenu complémentaire : possibilité de travailler à temps partiel ou d’exercer une autre activité
Entreprises :
- Attractivité : plus de candidats potentiels
- Responsabilisation et engagement : salariés plus productifs et motivés
- Cohésion : meilleur climat social
- Réduction de l’absentéisme
- Optimisation des process : amélioration de l’efficacité, Augmentation de la productivité
Comment est-il possible d’augmenter la productivité en travaillant moins ?
Les salariés ne travaillent pas moins, mais autrement :
- Ils sont moins stressés et fatigués, ce qui leur permet de se concentrer et de travailler plus efficacement.
- Ils ont, lors de la mise en place de la semaine de 4 jours, procédé à une chasse systématique aux interruptions, tâches inutles, redondances et autres facteurs cumulés d’inefficacité.
- Ils sont plus motivés et engagés puisqu’on leur fait confiance et qu’on les reponsabilise sur l’organisation de leur travail.
Pourquoi certaines entreprises renoncent a la semaine de 4 jours et reviennent à 5 jours ?
Rappelons que ça ne concerne que moins de 10% des entreprises qui ont essayé. Voici quelques raisons :
-
L’entreprise n’a pas mis en place une stratégie de mise en œuvre efficace.
- L’entreprise a cumulé la semaine de 4 jours avec d’autres changements organisationnels, ce qui a créé de la confusion et du stress.
- L’entreprise n’a pas les résultats de l’expérimentation, ce qui n’a pas permis de déterminer si l’initiative était bénéfique.
-
Les salariés ou la hiérarchie ont continué à solliciter les salariés pendant leur jour de repos, ce qui a vidé la démarche de son sens.